Le vieux Bouriège

Le sympathique village de Bouriège

reflète plus de 20 Siècles d'existence

Tout comme l'être humain, chaque village a son âme, un âme sur laquelle il est intéressant de se pencher pour l'étudier. C'est ce que fait un Biterrois spécialiste du folklore. M. Léonce Beaumadier, qui séjourne très fréquemment à Bouriège où il est propriétaire. Il a fait ainsi de fort intéressantes découvertes dans cette pittoresque et séduisante vallée de la Corneilla. Bouriège, par ses quartiers sur la roche, semble garder et commander cette vallée à l'endroit même où se situe le carrefour d'un second axe, Couiza-Castelreng. Cette position géographique paraît ne pas avoir échappé à l'attention des hommes dans la plus haute antiquité. Et peut-être s'il fallait chercher les origines de ce village devrait-on remonter au temps de l'occupation des Celtes.

Tout laisse supposer qu'une tribu celte se soit établie sur le plateau situé au-dessus de la falaise, qui domine le village. Se trouvant à l'intérieur de l'angle formé par la route de Limoux et la route de la Serpent, le haut plateau en question porte le nom de Carla. Des murailles de pierre sèche bâties sur l'éperon rocheux font penser à des fortifications primitives. De là-haut, l'homme pouvait surveiller la vallée et en contrôler les allées et venues. Il pouvait s'y livrer aussi à la pratique de certains cultes.

C'est d'ailleurs de ces parages que provient la statue d'apparence celte, que le propriétaire M. Bébin a confiée au musée de Limoux. Tout à côté, presque attenant se trouve sur ce même plateau un autre lieu appelé " Devant la ville ".

Ce dernier a livré des vestiges romains. D'ailleurs, les parages de Bouriège sont très riches en sites romains. Depuis 20 ans, les trouvailles qu'on y fait sont précieusement recueillies et centralisées. Au fur et à mesure des mains expertes et des yeux d'érudits les examinent pour les identifier. On peut citer plusieurs pièces de monnaies des premiers siècles dont une Nerva. Un colloque de spécialistes fera davantage de lumière sur les origines de Bouriège.

Mais, d'ores et déjà, on peut considérer cet endroit comme un lieu de passage et de pénétration vers les Pyrénées et l'Espagne. Après les Celtes, des Romains s'y sont fixés et y ont fait souche, car ces parages conviennent très bien pour la production d'un vin de qualité.

Seigneur de La Serpent Bouriège et Tessonières

Rien ne nous renseigne sur la période des invasions. Par la suite, nous apprennent certains historiens, Bouriège aurait appartenu, au VIIIè siècle à l'abbaye de Lagrasse, pour passer ensuite sous la dépendance des évêques d'Alet.

D'après un document compulsé par M. Baumadier, Noble Henry Dax était seigneur de La Serpent, Bouriège et Tessonières. Ses biens et ceux de ses sujets furent évalués et inscrits au rôle du compois de 1661 par l'estimator Pasqualis. Le document porte fixation à nonante huit livres sept sols, cinq deniers pour tout le village, qui comprenait 53 contribuables, mais dont le chiffre de la population devait être beaucoup plus important, compte tenu du nombre de brassiers et manœuvriers.

Le village de Bouriège comprend trois parties distinctes :

1. Bouriège proprement dit, où se trouve l'église et l'ancien château, le tout bâti sur une colline qui domaine aussi la vallée

; 2. Tessonières, faubourg placé sur un autre mamelon escarpé ;

3. Sourive, autre faubourg s'étendant dans le fond du vallon au bord de la route de la Corneilla. Le village aurait encore éclaté vers 1800. Une nouvelle place fut créée et la mairie y fit figure de monuments. On dénombrait plusieurs barris : l'Amélie, la Bergère, la Trilho, Del Pujol, de la Rivière ext.

 

Le vieux Bouriège

L'une des parties les plus anciennes est incontestablement celle où se trouve l'ancien château, qui est désigné dans les documents sous l'appellation de " Château Formeson ". 11 maisons encloses dans le périmètre donnaient une apparence de petite cité dans laquelle il y avait M. le recteur, le maréchal, le cardeur, le tailleur et le maçon. Ces derniers possédaient leur maison. Les autres demeures appartenaient à des notables. Le seigneur possédait en plus, des champs, des vignes, un moulin farinier à deux meules et la borde de Bellecoste.

L'église a subi trop de réparations et de ce fait n'offre plus sont caractère d'ancienneté. Du château, il ne reste que quelques pans de mur et départs de voûte

. En fait, tout ce quartier devait offrir le visage d'un fort dominant la vallée. D'ailleurs, les fenêtres des maisons actuelles s'ouvrent sur un vaste horizon.De la fontaine du bas part un chemin muletier qui permet d'accéder en lavets à l'ancien fort. Ce chemin encore pavé conserve un cachet tout à fait pittoresque, comme le sont aussi les demeures. Ces dernières ont un cachet particulier et très ancien. Certaines sont en partie aménagées dans le roc. Les dalles de pierre entrent en grande partie dans les constructions et ont souvent été utilisées pour les carrelages. En démolissant un plancher, les maçons découvrirent, il y a quelques années, de nombreux pots de terre cuite, qui se trouvaient sous le carrelage. Ces ports devaient servir de cachette pour les pièces d'or et les choses précieuses de la maison. Fermés par le carrelage, nul ne pouvait soupçonner la cachette. Ce serait, en quelque sorte, comme le palais de Knossos en Crète, qui avait des ressères aménagées dans le pavage et fermées par de puissantes dalles de pierre. Là était gardé l'ensemble des objets, qui formaient le trésor royal.

 

 

 

 

 

 

 

 

A Bouriège, les gens devaient avoir leurs richesses autrefois, et il n'est pas surprenant qu'ils aient eu recours à de telles cachettes, lorsqu'on connaît le caractère méfiant des aïeuls. Le quartier de Tessonières est aussi l'un des points les plus anciens d'habitat. Campées sur la roche, certaines maisons y prennent l'apparence d'un nid d'aigle. Elles aussi se signalent par leur cachet d'ancienneté et par une large utilisation de la dalle. Sur un coin de place une tour d'angle accolée à une maison, témoigne de l'esprit pratique des gens. Le bas de la tour était un ancien four où l'on cuisait le pain. Et le haut servait de pigeonnier.

Le quartier de Sourive fait figure, si l'on peut s'exprimer ainsi, du Bouriège moderne. Néanmoins, on y retrouve dans certaines ruelles, le pavé du XVIIè siècle. Une maison a comme curiosité un évier très original. La ménagère se haussant sur la pointe des pieds pouvait à travers le trou épier la rue. Et, en cas de trouble, cet observatoire pouvait à la rigueur servir de meurtrière et de poste de tir. Autre particularité : les cuviers en terre cuite scellés dans les murs.

Après le seigneur, la plus riche propriétaire de Bouriège, était, selon les documents, Mlle de Saint-Serny et de Saint-Salvadou. Elle possédait un château, la maison des métayers, la Borde Blanque du Ginestas, une orte et un pesquié, car la Corneilla traversait sa propriété. Un pesquié devait être semble-t-il un élevage de poissons.

Si nous comprenons bien, les riches ne devaient pas s'ennuyer dans l'ancien temps de Bouriège. Ne serait-ce qu'en se livrant aux plaisirs de la pêche. Mais, par contre, on imagine la vie pénible de tant d'autres gens.

Tout ceci n'est qu'une évocation du passé, qui nous donne une image de ce qu'était le village. Des siècles se sont écoulés, mais Bouriège conserve toujours l'empreinte de cette lointaine époque. C'est ce qui fait son charme et le rend plus sympathique. Et on s'y plait.

Article tiré du journal Midi-Libre du Mardi 30 juillet 1963

Seigneur de La Serpent Bouriège et Tessonières